La Fédération d’Afrique de l’Est (FEA) est la vision d’un État africain uni composé de six pays membres de la Communauté d’Afrique de l’Est (CAE). Cette communauté compte actuellement comme membres, le Burundi, le Kenya, le Rwanda, le Soudan du Sud, la Tanzanie et l’Ouganda comme membres, avec la RDC (sur approbation) comme septième, soit une population totale de 195 millions d’habitants [1].La création de cette fédération se traduirait par une superficie de plus de 2,5 millions de kilomètres carrés, ce qui en ferait la plus grande d’Afrique, où la plus grande ville serait Dar es-Salaam avec 7 millions d’habitants. Actuellement, le PIB de la CAE s’élève à 224 milliards de dollars, se classant au 49ème rang mondial avec un PIB par habitant de 1150 dollars. Serait-ce la première superpuissance de l’Afrique ?
Des raisons d’espérer
L’Afrique de l’Est est la région d’Afrique qui connaît la croissance la plus rapide depuis des décennies. L’Ouganda, le Kenya et le Rwanda ont connu chacun une croissance de 5, 6 et 7 % respectivement en 2010 jusqu’à la pandémie. Collectivement, le PIB de la CAE a augmenté de 92 %, passant de 106 milliards de dollars en 2010 à 204 milliards de dollars en 2019.
La CAE incarne une coopération moderne avec une histoire ancienne. Le Kenya, l’Ouganda et la Tanzanie ont été unis en tant que colonie en 1919 sous l’empire britannique avant de passer à la Communauté d’Afrique de l’Est en 1967, qui utilisait à l’époque le shilling d’Afrique de l’Est et les tarifs extérieurs standard [2].Cela a été sujet à l’effondrement en 1997 à la suite de la diversité du système politique, notamment la dictature sous Idi Amin, le socialisme sous Mwalimu Nyerere et le capitalisme sous Mzee Kenyatta. En 1999, la communauté a été relancée en vertu du Traité de la CAE avec un plan en quatre étapes :
- Union douanière ;
- Marché commun ;
- Union monétaire ;
- Fédération politique.
Les motivations de cette décision sont nombreuses puisqu’il existe une identité culturelle commune et que même des États semi-autonomes peuvent faire partie d’une plus grande union. Un climat dominant similaire de savane tropicale a été observé au sein de la communauté qui a des pratiques agricoles et saisonnières similaires. Actuellement, la lingua franca (langue véhiculaire) est l’anglais, mais elle a été remplacée récemment par le swahili, qui est une langue parlée par environ 200 millions de personnes en Afrique [3].
L’unicité religieuse, gage de la stabilité politique
Nombreux sont ceux qui affirment que la religion est la clé de la stabilité politique et sociale de toute union, la religion la plus répandue dans cette région étant le christianisme. 140 millions de chrétiens vivent au sein de la CAE, soit environ 78 % de la population. La deuxième identité religieuse la plus importante au sein de la communauté est l’islam. Ceci est important car la séparation du Soudan du Sud de la République était un élément clé de leur annexion et est facilement considérée comme une séparation des populations chrétienne et musulmane de l’ancien pays. Assurer la stabilité de la région nécessitera, sans aucun doute, la coopération entre les deux religions et leurs fidèles.
La première superpuissance africaine ?
La FEA aurait pour principale force sa jeunesse massive si elle est correctement exploitée. La FEA aurait une population dont l’âge moyen est de 17,8 ans, et s’assurer que ces jeunes sont sur la voie de l’indépendance économique est essentiel pour le succès de la Fédération. Plusieurs plans existent pour s’assurer que les bonnes infrastructures sont en place. Mombasa qui est le plus grand port maritime de la région et un pôle économique et culturel massif dessert l’intérieur du pays. Supplanté après par le port de Lamu de 22 milliards de dollars, ce dernier devrait être le plus grand en Afrique après sa construction. L’expansion continue de tous les aéroports de la région et l’attraction des investisseurs internationaux ne cessent d’augmenter. La capitale proposée par la Fédération est Arusha en Tanzanie, avec une population d’environ 400 000 personnes. La ville a servi de centre de diplomatie pendant plusieurs années, et a été l’endroit où la guerre civile au Rwanda a pris fin grâce à l’accord de paix et de réconciliation. Même lorsque le Mouvement populaire de libération du Soudan était sur le point de s’effondrer, l’accord pour le Soudan du Sud a été conclu à Arusha. La ville se situe au cœur de la Fédération et a servi de siège de la Communauté d’Afrique de l’Est [4].
C’est à partir d’Arusha que beaucoup de progrès ont été réalisés. L’Union douanière a été créée en 2005 et le Rwanda et le Burundi ont rejoint la Communauté en 2007. Le Protocole de 2010 sur le Marché commun de l’Afrique de l’Est visait à favoriser une zone de marché ouverte afin d’améliorer l’échange de personnes, de biens, de services et de capitaux au sein de la Communauté. Des droits de douane nuls et minimaux se sont révélés prometteurs dans la région. Le fait que ces mesures soient soutenues par le shilling est-africain augmentera sans aucun doute la force monétaire de la région [5].
Problèmes initiaux
Le marché commun a encore du chemin à faire car les importations qui mettent en péril les entreprises locales se voient souvent refuser l’entrée dans les marchés voisins. Le Kenya a fermé ses portes au lait, au bois, au sucre et au maïs ougandais. Le Soudan du Sud a adhéré en 2016 et la République du Soudan a également sollicité son adhésion en 2011, qui lui a été malheureusement refusée à cause de ses relations tumultueuses avec le Soudan du Sud et l’Ouganda. En 2013, tous les États membres se sont engagés à s’unir progressivement sur le plan monétaire en harmonisant leurs politiques monétaire et budgétaire, tandis que le Kenya, l’Ouganda, la Tanzanie et le Rwanda dévoilent simultanément leurs budgets nationaux en juin. Cette union est encore assez lointaine. Au vu des différences dans le fonctionnement de chaque monnaie, la convergence sera difficile puisque chaque nation a toujours sa propre monnaie et semble bénéficier ou être lésée en fonction de son poids budgétaire actuel.
Il est prévu d’accélérer la redoutable fédération politique aux côtés de l’union monétaire. En 2018, un comité composé des six États membres a été créé pour rédiger une constitution régionale qui sera dévoilée en 2022 en vue de sa ratification en 2023. Si l’ajout de la RDC à la Fédération est approuvé, la superficie de la Fédération doublera, ce qui en fera 7è région la plus grande et la 4è la plus peuplée du monde après les États-Unis, avec une population de 285 millions d’habitants. La RDC a un PIB par habitant de 500 $, ce qui en fait l’un des pays les plus pauvres au monde. Cependant, ses ressources et un port sur la côte occidentale de l’Afrique offriraient à la CAE le potentiel de parvenir la voie au développement pour l’Afrique subsaharienne [6].
Cependant, comme mentionné ci-dessus, il reste beaucoup à faire. Invoquant le sous-financement et les tensions politiques entre le Burundi et l’Ouganda, le Rwanda a boycotté les pourparlers en 2021, affirmant que les deux pays soutenaient les mouvements politiques d’opposition au Rwanda. L’échec des pourparlers d’octobre 2021 montre également à quel point cette dernière étape s’avère complexe. [7]
Ainsi, la pauvreté reste un problème majeur à résoudre au sein de la communauté. Il ne fait aucun doute que la fédération panafricaine à l’échelle du continent est une vision digne d’intérêt pour réaliser véritablement le potentiel de l’Afrique qui s’engage à prendre son destin en main.
Bibliographie |
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EAC. East African Community Annual Report 2014-2015. East African Community, 2016, http://repository.eac.int/handle/11671/24334. |
EAC. Overview of EAC, East African Community, 2018, https://www.eac.int/overview-of-eac#:~:text=The%20EAC%20is%20home%20to,over%2022%25%20is%20urban%20population. |
EAC. Towards Political Federation in the East African Community: Achievements and Challenges. East African Community, 2014, https://www.eac.int/documents/category/political-federation. |
Ikuya, James Magode. “Why the Current Clamor for East African Federation Cannot Produce Unity.” Development, vol. 60, no. 3-4, 2017, pp. 197–200, https://doi.org/10.1057/s41301-018-0163-8. |
Kasaija, PA. “Regional Integration: A Political Federation of the East African Countries?” African Journal of International Affairs, vol. 7, no. 1-2, 2010, https://doi.org/10.4314/ajia.v7i1-2.57213. |
Martin, Rhys. “East African Federation Looks Set for Further Delay.” Global Risk Insights, 20 Mar. 2021, https://globalriskinsights.com/2021/03/east-african-federation-looks-set-for-further-delay/. |
Owaka, Simon. 21st Ordinary Meeting of the Summit of the EAC Heads of State Postponed, East African Community, 2022, https://www.eac.int/press-releases/1626-21st-ordinary-meeting-of-the-summit-of-the-eac-heads-of-state-postponed. |
[1] Overview of EAC, East African Community, 2018.
[2] Martin, Rhys. “East African Federation Looks Set for Further Delay.” Global Risk Insights, 2021.
[3] Kasaija, PA. “Regional Integration: A Political Federation of the East African Countries?” African Journal of International Affairs, 2010.
[4] Kasaija, PA. “Regional Integration: A Political Federation of the East African Countries?” African Journal of International Affairs, 2010.
[5] Ikuya, James Magode. “Why the Current Clamor for East African Federation Cannot Produce Unity.” Development, 2017.
[6] Owaka, Simon. 21st Ordinary Meeting of the Summit of the EAC Heads of State Postponed, EAC, 2022.
[7] Martin, Rhys. “East African Federation Looks Set for Further Delay.” Global Risk Insights, 2021.