Facteurs  politiques et socioéconomiques de l’amélioration du climat des affaires au Rwanda 🇷🇼  

Introduction

Entre avril et juillet 1994, le génocide rwandais a fait 800 000 morts en seulement 100 jours (Gurdjian, 2021). En dehors des blessures psychologiques qu’il a engendrées sur la population, cet événement tragique a dévasté l’économie du pays. D’importantes infrastructures ont été détruites, des entreprises ont été perdues et le tissu social a été profondément perturbé.

Cependant, grâce à des politiques économiques solides et à un investissement plus accru dans le secteur de l’entrepreneuriat, le Rwanda a pu réaliser des progrès significatifs dans sa reconstruction. D’après l’indice « Doing Business » de la Banque mondiale, le pays se classe aujourd’hui au 38eme rang mondial et au 2eme rang en Afrique (Banque Mondiale, 2020).

Cet article propose un retour réflexif sur les facteurs ayant contribué à la mise en place d’un environnement propice au développement des entreprises dans un pays marqué par les horreurs de la guerre. Il s’agit notamment : des politiques gouvernementales de création d’emplois et de renforcement des capacités des jeunes, de la privatisation des entreprises publiques,l’allègement des contraintes de création d’entreprise, l’investissement dans les infrastructures.

1. Les politiques gouvernementales de création d’emplois et de renforcement des capacités des jeunes

En premier lieu, le gouvernement rwandais prend à cœur son rôle de créateur d’emplois et d’opportunités entrepreneuriales en accompagnant différents projets. Entre 2017 et 2021, il développe le Programme « Igira Ku Murimo » afin d’offrir une formation en alternance à tous les jeunes (APEFE, 2021). S’inscrivant dans le cadre d’une politique plus large, ce projet apporte des compétences pratiques aux rwandais afin d’apprendre un métier ou bien de lancer leur propre business dans une variété de secteurs tels que :

  • La transformation des produits alimentaires (transformation du lait, transformation des fruits, boulangerie et pâtisserie)
  • La mode (couture et tannage du cuir)
  • La beauté (coiffure et manicure)  

2. La privatisation des entreprises publiques comme moteur de la croissance

De plus, l’engagement du gouvernement rwandais à libéraliser l’environnement économique passe par la privatisation des entreprises publiques comme moteur de la croissance. Le programme de privatisation du gouvernement a débuté avec la promulgation en 1996 de la loi n° 2 sur la privatisation et l’investissement public. À la fin du mois de décembre 2006, 70 entreprises publiques sur un total de 104 avaient été privatisées (OCDE, 2007). La politique de privatisation a eu au moins deux conséquences positives en permettant d’augmenter les recettes de l’État tout en libérant des ressources. Plus important encore, les entreprises du secteur privé ont réalisé d’énormes investissements en capital et en savoir-faire technique qui profitent aux rwandais. L’importance du secteur privé dans l’économie rwandaise apparait claire à la lecture de ce tableau :

Tableau 1 : Composition de la demande

 19982005 200620072008
 En pourcentage du PIB (à prix courants) Pourcentages de variation, en volume
Création de capital brut14,819 4,817,97,9
Public6,810,1 -4309,5
Privé88, 8 156,26
       
Consommation finale100,999,4 5,24,84,6
Public9,712,6 5,23,93,9
Privé91,286,8 5,24,94,6

Source : OCDE, 2007

3. L’allègement des contraintes de création d’entreprise et attractivité des investissements dans l’économie nationale

Par la suite, il convient de noter que le gouvernement a réduit la charge administrative pour toute personne souhaitant investir dans le pays. C’est en effet au Rwanda que les procédures d’enregistrement des entreprises sont les moins nombreuses et les plus rapides puisqu’en seulement 24 heures, il est possible d’obtenir une licence (Africa2Trust, s.d.). L’attraction, la rétention et la facilitation des investissements dans l’économie nationale sont des opérations prises en charge par un seul et unique département gouvernemental : le Rwanda Development Board (RDB). Le système d’enregistrement des sociétés est centralisé sur un guichet électronique facilement accessible. Les procédures relatives à la création ou à la fermeture d’un business sont résumées dans le tableau qui suit :  

Tableau 2 : Création et gestion d’entreprise au Rwanda

ActivitéExigencesCoût
Enregistrement d’une entreprise localeCopie de la carte d’identité/du passeportRemplir deux copies du Memorandum d’Association Art. 14Frais d’enregistrement : Gratuit
Enregistrement d’une succursale d’une société étrangère au RwandaProcuration pour présenter la société au Rwanda Une copie dûment authentifiée de l’acte constitutif et des statuts de la société.Certificat d’enregistrement/de constitution délivré par l’autorité d’enregistrement du pays de constitution. Résolution notariée de l’organisme habilité autorisant l’ouverture d’une succursale.Copies des passeports des actionnaires/administrateurs.Liste des directeurs résidant au Rwanda (au moins un).Frais d’enregistrement : Gratuit
Ouverture d’une succursale localeRésolution notariée autorisant l’ouverture d’une succursaleRemplir le formulaire de demandePaiement de 5 000 FRw à la RDB
Activités supplémentaires pour les entreprises individuellesRemplir les formulaires de demande fournis pour le changement de coordonnéesCertificat d’enregistrement originalBordereau de paiement (reçu) 2 000 FRw
Activités supplémentaires pour les entreprisesUn procès-verbal notarié de la réunion du conseil d’administration autorisant le dépôt des activités complémentairesCertificat d’enregistrement originalPaiement de 7.000 FRw à la RDB
Cessation des activités commercialesLettre adressée au Registrar General, tamponnée par le Rwanda Revenue Authority (RRA)Certificat de décharge fiscale du RRACertificat d’enregistrement originalProcès-verbal de l’association notariéFiche de paiementFrais de cessation d’activité de 5 000 FRw  

Source : Africa2Trust, 2003

Mis à part la gratuité des frais de création d’entreprise, les nouveaux entrepreneurs bénéficient d’un allègement des taxes durant les 5 premières années leur permettant de démarrer leur affaire plus sereinement (Chambers and Parners, 2023).

4. L’investissement dans les infrastructures

Enfin, le gouvernement rwandais reconnait l’importance des infrastructures dans le développement d’un secteur privé compétitif. A cette fin, il continue d’investir dans les réseaux de transports et autres infrastructures en y allouant près d’un dixième de son budget annuel (Rwanda Development Board, s.d.). Comme le montre le tableau ci-dessous, le pays est un des leaders africains en matière d’investissement dans ce type de projets.

Figure 1 : Investissements dans des projets d’infrastructure entre 2014 et 2019 (en pourcentage du PIB)

Source : Banque de données d’IJ Global et de la Banque Mondiale, 2001

Ces divers investissements ne sont pas sans conséquence positives pour les entrepreneurs qui se disent rassurés de voir les autorités publiques réhabiliter les villes. Robeni Mawuwa est l’un d’entre eux et il aspire à créer une société plus harmonieuse. En 2020, il fonde l’ONG Shine Rwanda afin d’apporter des solutions de soutien, de médiation, de conseil et d’autonomisation aux familles en proie à des conflits. Il affirme que « la propreté de Kigali et ses infrastructures bien conçues offrent un environnement propice à l’installation des entreprises et à la conduite des affaires ». Il salue également les efforts déployés par le gouvernement pour étendre l’accès à internet dans tout le pays permettant une communication efficace et des opérations efficientes en entreprise.

5. Perspectives d’avenir…

Le Rwanda aspire à devenir un pays à revenu intermédiaire d’ici 2035 et un pays à revenu élevé d’ici 2050 (Banque Mondiale, 2021). Pour cela, l’économie rwandaise doit continuer à se diversifier rapidement et dans des secteurs présentant un potentiel avec une forte demande.

Pour Joseph Semafara, fondateur de Solvit Africa qui forme les jeunes aux technologies de l’information et de la communication (TIC), l’avenir rwandais sera placé sous le signe de la technologie. « Je vois toujours à quel point nous avons besoin de numériser différents domaines tels que les services gouvernementaux, les soins de santé, l’éducation, la finance et l’agriculture, ce qui a créé une demande croissante de solutions technologiques, de logiciels et de services informatiques », confie-t-il. Les innovations technologiques touchent, en effet, presque tous les aspects de la vie quotidienne au Rwanda. Par exemple, grâce au programme « e-Soko », les agriculteurs peuvent recevoir les dernières informations sur le cours des produits agricoles par SMS (Tafirenyika, 2011). Dans la santé, le système mPedigree fournit des informations aux consommateurs sur les normes d’un médicament (Tafirenyika, 2011).

Comme dans le reste du monde, le Rwanda devra également faire face aux enjeux du réchauffement climatique. Le pays montre déjà des signes très encourageants comme l’explique Emile Kinuma qui travaille pour une compagnie finançant des motos électriques en Afrique de l’Est. Il explique en effet que le Rwanda vise à accélérer la transition vers les VE en s’associant avec les acteurs du privé. Dans sa feuille de route sur la mobilité électrique, le ministère de l’infrastructure mentionne notamment Rwanda Electric Motorcycle Company ou encore Victoria Motors Rwanda Limited, deux acteurs qui ont montré leur engagement dans la mobilité durable (Ministère de l’infrastructure, 2021).

Conclusion

Pour conclure, un quart de siècle après le traumatisme du génocide, le Rwanda semble regarder vers l’avenir. Dans les années à venir, les autorités publiques devront continuer à tenir leurs promesses en soutenant l’esprit d’entrepreneuriat et la création d’emplois dans le secteur privé. Plus important encore, elles devront mener un important chantier de démocratisation afin de faire taire les préoccupations concernant les droits de l’homme ou la liberté de la presse dans le pays. Les leçons tirées du cas rwandais pourraient bien alors inspirer toute une génération de dirigeants sur le continent africain.

Bibliographie

1. Africa2Trust. (n.d.). How to start a business in Rwanda. Retrieved août 4, 2023

2. APEFE. (2021). IGIRA KU MURIMO Handbook. Kigali: APEFE.

3. Banque Mondiale. (2020). Doing Business 2020. Washington: World Bank Group.

4. Banque Mondiale. (2021, Juillet 11). The World Bank in Rwanda. Retrieved août 2023

2023

5. Chambers and Parners. (2023, Mars 14). Corporate Tax 2023. Retrieved août 4, 2023

Gurdjian, C. (2021). Les 3 infos à savoir sur le génocide au Rwanda. Retrieved août 4, 2023

6. Ministère de l’infrastructure. (2021). Strategic paper on electric mobility adaptation in

Rwanda. Kigali: Ministère de l’infrastructure.

7. OCDE. (2007). Rwanda . Paris : OCDE.

8. Rwanda Development Board. (n.d.). rdb.rw. Retrieved août 4, 2023

Tafirenyika, M. (2011, avril). Rwanda : l’économie dopée par les nouvelles technologies.

Retrieved août 4, 2023, from un.

elisa dalila

I am a French student pursuing a Master's degree in International Affairs at Paris-Dauphine University. I aspire to a career in international cooperation. My interest in the African continent has driven me to contribute to the work of AAE. After my studies, I would like to engage with a development institution to support transformative governance projects in Africa.

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